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les débuts du Temple

Les débuts de l’ordre du temple

Ce que l’on sait de l’Ordre du Temple, certains aspects de son histoire ainsi que de nombreuses légendes apparues à son sujet, ne peuvent s’appliquer dès l’origine des Templiers.

Considéré comme un ordre religieux et militaire issu de la chevalerie chrétienne du Moyen Âge, l’ordre du Temple semble être avant tout, à l’origine, un ordre monastique né en Orient, au lendemain de la première croisade, mais dont les racines sont ancrées en Occident. Le contexte historique et sa situation géographique en feront, par la suite, un Ordre militaire. Les légendes, quant à elles, sont apparues essentiellement à partir du XVIIIème siècle, en particulier dans les milieux maçonniques, qui vont voir en eux le maillon avec les bâtisseurs mythiques du temple de Salomon.

Similitudes entre Cisterciens et Templiers

Les Templiers étaient organisés comme un ordre monastique, suivant la règle créée pour eux par Bernard de Clairvaux. Dans chaque pays était nommé un maître (1) qui dirigeait l’ensemble des commanderies et dépendances et tous étaient sujets du maître de l’ordre, désigné à vie, qui supervisait à la fois les efforts militaires en orient et ses possessions financières en occident. Le chapitre général de l’ordre du Temple est calqué sur le chapitre général institué par Etienne Harding à Cîteaux comme organe suprême de contrôle. Au même titre que les commanderies templières, chaque abbaye dépend, tout en conservant une grande autonomie, notamment financière, d’une abbaye mère. La cohésion de l’ordre cistercien reposera sur la Charte de Charité « Carta Caritatis » (2) rédigée entre 1114 et 1118 par Etienne Harding. L’ordre du Temple aura sa règle en 1129. (1) L’expression "grand maître" pour désigner le chef suprême de l’ordre est apparue à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle dans des chartes tardives et dans les actes du procès des Templiers. Puis, elle a été reprise et popularisée par certains historiens des XIXe et XXe siècles. Elle est aujourd’hui largement répandue. Or, ce grade n’existait pas dans l’ordre et les Templiers eux-mêmes ne semblaient pas l’utiliser. On note cependant dans des textes tardifs le qualificatif de "maître souverain" ou "maître général" de l’ordre. Dans la règle et les retraits de l’ordre, il est appelé "Li Maistre" et un grand nombre de dignitaires de la hiérarchie pouvaient être appelés ainsi sans l’adjonction d’un qualificatif particulier. Les précepteurs des commanderies pouvaient être désignés de la même façon. Il faut donc se référer au contexte du manuscrit pour savoir de qui l’on parle. En Occident comme en Orient, les hauts dignitaires étaient appelés maîtres des pays ou provinces : il y avait donc un maître en France, un maître en Angleterre, un maître en Espagne, etc... Aucune confusion n’était possible puisque l’ordre n’était dirigé que par un seul maître à la fois, celui-ci demeurant à Jérusalem. Pour désigner le chef suprême de l’ordre, il convient de dire simplement le maître de l’ordre et non grand maître. (2) La Charte de charité. Entre 1114 et 1118, Étienne Harding rédige la « Carta Caritatis » ou Charte de charité, texte constitutionnel fondamental sur lequel repose la cohésion de l’ordre. Elle établit l’égalité entre les monastères de l’ordre. Dans le respect d’unité d’observance de la règle de saint Benoît, elle a pour objet d’organiser la vie quotidienne et d’instaurer une discipline uniforme à l’ensemble des abbayes. Le pape Calixte II l’approuve le 23 décembre 1119 à Saulieu. Elle fit l’objet de différentes mises au point. Étienne Harding a prévu que chaque abbaye dépende, tout en conservant une grande autonomie notamment financière, d’une abbaye mère : l’abbaye qui l’a fondée ou à laquelle elle est rattachée. Leurs abbés élus par la communauté gouvernent l’abbaye comme ils l’entendent. En même temps, il a su prévoir des systèmes de contrôles efficaces tout en évitant la centralisation : l’abbaye-mère dispose d’un droit de regard, son abbé doit la visiter annuellement. Étienne Harding a institué, au sommet de l’édifice, le Chapitre général comme organe suprême de contrôle. Le Chapitre général réunit chaque 14 septembre, sous la présidence de l’abbé de Cîteaux qui fixe le programme, tous les abbés de l’ordre qui doivent y assister en personne ou, exceptionnellement, se faire représenter. Ils ont rang égal hormis les abbés des quatre branches maîtresses. Le Chapitre général édicte par ailleurs des statuts et apporte les adaptations rendues nécessaires aux règles régissant l’ordre. Les décisions prises lors de ces assemblées sont rapportées dans des registres appelés statuta, instituta et capitula. Ce système, comme le souligne Dom J. M. Canivez, a permis « une union, une intense circulation de vie et un réel esprit de famille groupant en un corps compact les abbayes sorties de Cîteaux ».

Il semblerait donc que les premiers templiers soient avant tout des moines. A la page 23 de son ouvrage fondamental intitulé « Les mystères templiers », Louis Charpentier écrit que « parmi les neuf chevaliers qui vont se présenter au roi de Jérusalem, il en est deux, au moins, qui tiennent de très près à saint Bernard : l’un est Hugues de Payns, le chef de mission, qu’il nommait d’ailleurs ‘’mon bien aimé Hugo’’ […] et l’autre est son propre oncle, le frère de sa mère, peut-être également cistercien : André de Montbard ». « De même ne serait-il être exclu que, parmi ces neuf chevaliers, ceux que l’on ne connaît que par leurs prénoms, certains aient, en réalité, été des moines… Quant aux chevaliers flamands, Godefroy de Saint-Omer, Payen de Montdidier et Archambaud de Saint-Amand, ce sont évidemment, des gens de la suite d’Eustache de Boulogne, frère de Godefroy de Bouillon et de Baudouin 1er ».

Cependant, selon un document se trouvant dans les archives de l’Abbaye saint Benoît de Port-Valais à Le Bouveret en Suisse, on peut lire ceci : « D’après la liste des Pères du Concile de Troyes, « Le grand maître de cette milice, nommé Hugues, […] avait avec lui quelques-uns de ses religieux, entre autres, les frères Geoffroy, Rovalle, Gaufrède, Bisol, Païen de Mont-Désir, et Archambaud de Saint-Aignan ». Ceci reviendrait à dire que six templiers sur neuf étaient religieux.

En page 12 de son ouvrage « Les Templiers et leurs mystères », le Frère Patrick Rivière cite Jacques de Vitry qui nous donne une composition différente du groupe des neufs : « Puis le 27 décembre 1118 […] ces neuf chevaliers – Hugues de Payns, Geoffroy de Saint-Omer, André de Montbard, Payen de Montdidier, Archambaud de Saint-Aignan, Geoffroy Bisol, Hugues Rigaud, Rossal et Gondemare – se réunirent à l’emplacement du Temple du Roi Salomon. Puis, ils révélèrent au monde qu’ils venaient de fonder en ce lieu saint « l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon », que l’on évoquera prosaïquement un peu plus tard sous le nom de « Templiers ». http://rue-des-9-templiers.eklablog.com/

Il existe une lettre adressée par Guigues, prieur de la grande Chartreuse, à Hugues de Payns. Cette lettre peut être datée de 1129 : « comme ni à votre retour, ni à votre départ, nous n’avons pu jouir du plaisir de vous entretenir de vive voix ». C’est peu de temps après le départ de Hugues de Payns pour la terre sainte que Guigues a dû écrire cette épître. C’est une incitation à la prudence et à l’humilité. Visiblement, une partie de l’église manifestait des réticences envers les moines soldats d’Hugues de Payns. « A nos seigneurs et amis très chers et vénérés dans le Christ, Hugues, prieur de la sainte milice, et tous ceux qui vivent sous son gouvernement, leurs serviteurs et amis, les frères de Chartreuse, souhaitent une complète victoire sur les ennemis spirituels et corporels de la religion chrétienne, et la paix dans le Christ Notre Seigneur. » Ad hugonem sanctae militae priorem. Dominis et amicis in Christo carissimi ac reverendissimis, Hugoni, sanctae militae priori, et omnibus qui reguntur ejus consilio, servi et amici Cartusiae frateres spiritualium simul et corporalium christianae religionis hostium victoriam plenariam et pacem per Christum Dominum nostrum. Guiges II le Chartreux, lettre 2 au grand maître des Templiers ; PL 153, 598 ; Mabillon Sbo vol.2. t6,p,col.1051.

Hugues de Payns va réagir. En réponse, il va adresser une lettre d’exhortation à ses frères templiers. Découverte dans un manuscrit conservé à Nîmes, cette lettre, écrite par un certain Hugo Peccator à ses frères milites Christi, est encadrée, par une version de la règle du Temple et une copie du De laude de saint Bernard. La lettre fut d’abord attribuée à Hugues de Saint-Victor ; Jean Leclercq, se fondant sur les rapports évidents entre la lettre et le De laude, voulut y voir un texte de Hugues de Payns. Une récente étude de Joseph Fleckenstein remet en cause cette identification ; pour lui, l’auteur de la lettre est trop savant en droit canon pour que l’on puisse l’assimiler à Hugues de Payns. Ceci dit, les préoccupations de Hugo Peccator et du maître du Temple sont les mêmes : la lettre en question a reçu l’aval de ce dernier.  

Selon une habitude courante dans les monastères de l’époque, le surnom « peccator » devait faire ressortir la modestie du copiste. On sait par l’étude des chartes de Molesme, qu’Hugues de Payns était proche de Hugues de Montigny, moine de Molesme et grand-oncle de saint Bernard, on sait également que saint Bernard était en relation étroite avec les Templiers, et compte tenu du fait que le prieur de la grande Chartreuse nomme Hugues de Payns « prieur de la sainte milice » on ne peut en déduire que le maître du Temple entretenait des liens avec la vie monastique. Il semble donc capable d’écrire une telle lettre à ses frères.

De même, il semble correct de penser qu’Hugues de Payns ait apporté, sinon la règle de l’ordre, mais au minimum un brouillon de cette règle lors du concile de Troyes et qu’il ait participé à sa rédaction.    

La règle originale du Temple, dite latine, s’inspire directement de la règle de saint Benoit : « c’est à toi donc maintenant que s’adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les nobles et fortes armes de l’obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable roi » (2e phrase du prologue).

La règle française s’ouvre sur un discourt emphatique qui s’adresse directement aux frères : « vous, qui renoncez à vos propres volontés pour être les serviteurs du souverain roi, par les chevaux et par les armes, pour le salut de vos âmes, (…) ».

Vers 1135-1139, sous la maîtrise du deuxième maître de l’ordre, Robert de Craon, la règle primitive est traduite en français mais l’ordre des chapitres de la règle y est complètement bouleversé. A cette occasion, certains articles sont supprimés, d’autres modifiés. Ainsi, tous les articles concernant la réception dans l’ordre sont rassemblés au début du manuscrit. La période de noviciat d’un an devient une mise à l’épreuve. Les armes de l’obéissance à caractère spirituelles deviennent de véritables armes. Le Seigneur Christ, notre véritable roi devient le souverain roi.

Les moines des premiers jours sont devenus de vrais soldats.

Templiers ou hospitaliers ?

Le site « Wikipédia » nous apprend que c’est le 23 janvier 1120, lors du Concile de Naplouse que naquit, sous l’impulsion d’Hugues de Payns et de Godefroy de Saint-Omer, la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, qui avait pour mission de sécuriser le voyage des pèlerins affluant d’Occident depuis la reconquête de Jérusalem et de défendre les États latins d’Orient. Or, on nous dit par ailleurs au sujet de l’ordre des Hospitaliers, qu’en cette même année de 1120 : « Dupuy prend le titre de grand-maître, divise les hospitaliers en chevaliers, pour assurer les chemins aux pèlerins et pour combattre les infidèles, en chapelains (…) et en frères servants, qui devaient aussi prendre les armes. » Chateaubr, Génie, t2, 1803p. 475.

Dès lors, on peut se demander pourquoi créer un nouvel Ordre (les templiers) dédié à la sécurité alors qu’il en existe déjà un (les hospitaliers).

Pourtant, du fait des besoins existant en Terre sainte, des hommes d'armes s'associent au Saint Sépulcre. Ils forment une confrérie laïque, un tiers-ordre. Cela apparaît dans une chronique d'un moine rhénan, Albert d'Aix. En 1101, selon lui, le patriarche de Jérusalem enrôle une trentaine de chevaliers pour défendre le Saint Sépulcre. Cette confrérie ne forme pas un ordre militaire. Il se pourrait bien que certains des futurs Templiers aient servi de la sorte.

Une autre communauté semblable à un ordre militaire, car employant des gens d'armes, apparaît dans le même temps : l'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem. Cet ordre est indépendant de l'Église latine et soumis à la papauté par la bulle Pie postulatio voluntatis du 15 février 1113, sous Pascal II. L’Hôpital procède toutefois d'une initiative vieille de plusieurs décennies, entamée vers 1065 par des commerçants d'Amalfi, à une époque où les Seldjoukides menacent. S'y associe le monastère bénédictin de Sainte Marie latine.

L'indépendance de l'Hôpital est-elle souhaitée dès Urbain II ? Cela est difficile à dire. Une mission de protection des pèlerins apparaît à cette époque. C'est de ces confréries que l'ordre du Temple naît en tant qu'institution autonome de l'Église, en 1112 (datation allemande de 1976, et non 1118-19). (1) C'est le plus ancien des ordres religieux militaires issus de l'Occident. Initialement religieux, sa militarisation, progressive, s'achève au milieu du XIIe siècle, la date d'une militarisation décisive étant débattue par les historiens. Pour autant, les Templiers conçoivent leur tâche comme avant tout caritative. (1) Dans le cours de l'année 1118, quelques nobles chevaliers, hommes dévoués à Dieu et animés de sentiments religieux, se consacrèrent au service du Christ, et firent profession entre les mains du patriarche de vivre à jamais, ainsi que les chanoines réguliers, dans la chasteté, l'obéissance et la pauvreté. Les premiers et les plus distingués d'entre eux furent deux hommes vénérables, Hugues de Pains et Geoffroi de Saint-Aldemar. Comme ils n'avaient ni église, ni résidence fixe, le roi leur concéda pour un certain temps un logement dans le palais qui est situé auprès du temple du Seigneur, du côté du midi. Les chanoines de ce temple leur concédèrent aussi à de certaines conditions, et comme champ d'exercice, la place qui leur appartenait tout près du palais. Le roi et les grands, le seigneur patriarche et les prélats des églises leur donnèrent en outre, sur leurs propres domaines, certains bénéfices, les uns à terme, les autres à perpétuité, et ces bénéfices furent destinés à leur assurer les moyens de se couvrir et de se vêtir.

Durant les neuf premières années de leur institution, ils portèrent l'habit séculier, et n'eurent jamais d'autres vêtements que ceux que le peuple leur donnait par charité. C’est lors du concile de Troyes que le patriarche impose le manteau blanc aux chevaliers et la bure noire ou brune aux frères servants (chapelains, sergents et écuyers) accentuant la hiérarchie de l’Ordre. Il entend garder une mainmise absolue sur l’ordre et augmenter sa puissance, mécontentant à la fois Baudoin et les Templiers.

La conséquence ne se fera pas attendre. En appelant l’arbitrage du pape, le roi de Jérusalem et le maître du Temple obtiendront d’Innocent II, huit ans plus tard (1139) la bulle « omne datum optimum » qui officialise l'ordre du Temple et reconnaît sa règle, accorde à ses membres tout butin conquis sur les Sarrasins en Terre sainte et place l'ordre et ses maisons sous la protection directe du Saint-Siège. Elle affranchira définitivement les templiers du clergé séculier, et notamment de la tutelle du patriarche de Jérusalem. Ils dépendront désormais directement du pape. Elle est à la base de tous les privilèges dont jouissaient les Templiers. En effet, grâce à elle, les frères du Temple eurent le droit de bénéficier de la protection apostolique et d’avoir leurs propres prêtres. La reconnaissance de l'ordre du Temple ne passait pas seulement par l'élaboration d'une règle et d'un nom, mais aussi par l'attribution d'un code vestimentaire particulier propre à l'ordre du Temple.

Seuls les chevaliers, les frères issus de la noblesse, avaient le droit de porter le manteau blanc, symbole de pureté de corps et de chasteté. Les frères sergents, issus de la paysannerie, portaient quant à eux un manteau de bure, sans pour autant que ce dernier ait une connotation négative. C'était l'ordre qui remettait l'habit et c'est aussi lui qui avait le pouvoir de le reprendre. L'habit lui appartenait, et dans l'esprit de la règle, le manteau ne devait pas être un objet de vanité. Il y est dit que si un frère demandait un plus bel habit, on devait lui donner le « plus vil »

Dans sa bulle vox in excelso d’abolition de l’ordre du temple, le pape Clément V indiqua qu’il supprimait « le dit ordre du temple et son état, son habit et son nom », ce qui montre bien l’importance que l’habit avait dans l’existence de l’ordre.

Le manteau des Templiers faisait référence à celui des moines cisterciens. Concernant le "blanc manteau" des frères, la règle stipule que leurs robes doivent toutes être d'une même couleur : blanche, noire ou de bure. Ces trois couleurs reprennent bien sur la division de la société en trois ordres et la division des frères de l'Ordre en trois classes distinctes. Là encore il s'agit d'une disposition commune aux ordres religieux où la couleur de l'habit monacal distingue les frères du chœur des frères convers. Mais déjà apparaît le manteau blanc immaculé, distinctif de l'ordre du Temple même si dans les premières années il n'est pas encore frappé de la croix pattée rouge. Il est expressément réservé aux seuls chevaliers. La règle prévoit que par humilité ce manteau ne portera aucune marque de luxe ostentatoire mais il est dès l'origine le signe éminemment distinctif d'un certain élitisme qu'on ne manquera bien sûr pas de reprocher plus tard aux Templiers.

La croix rouge de l’Ordre sera donnée tardivement par le pape Eugène III en 1146 et sera appliquée sans distinction sur tous les manteaux. Il aurait accordé le droit de la porter sur l'épaule gauche, du côté du cœur. La règle de l'ordre et ses retraits ne faisaient pas référence à cette croix. Cependant, la bulle papale Omne datum optimum la nomma par deux fois. Aussi est-il permis de dire que les Templiers portaient déjà la croix rouge en 1139. C'est donc sous la maîtrise de Robert de Craon, deuxième maître de l'ordre, que la « croix de gueules » devint officiellement un insigne templier. Il est fort probable que la croix des Templiers ait été issue de la croix de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dont avaient fait partie Hugues de Payns et ses compagnons d'armes. La croix templière est rouge, les chroniques parlent de "croix vermeille" ou encore de "croix de gueules". On ne sait pas en revanche quelle a été sa forme, patté ou grecque. Il semble que plusieurs formes aient été en usage et la croix templière est parfois confondue avec celle que portent les chevaliers qui ont fait le vœu de partir en croisade, sans être pour autant des Templiers. Renaud Thomazo, Les Templiers, pour percer les secrets du mystère des Templiers

Neuf frères durant neuf ans

L’image forgée par l’archevêque Guillaume de Tyr, qui dans la seconde moitié du XIIème siècle s’était heurté à eux, a de quoi frapper, mais elle est fausse. Guillaume de Tyr, Chronique, éd. Robert B. C. Huygens.

Contrairement à ce que l’on se plaît à dire, les premiers templiers ne sont pas restés cloîtré en terre sainte pendant neuf ans. Hugues de Payns effectue un premier aller-retour à Jérusalem entre 1104 et 1107. Il y retourne ensuite en 1114, fait une excursion à Seborga avec ses premières recrues en 1117 pour rencontrer Bernard de Fontaines, abbé de Cîteaux, Jean de Usson, grand prêtre Cathares et le Prince-abbé Edouard. Ils rentrent ensuite en terre sainte et y demeure jusqu’en 1120. Officialisation de l’Ordre au concile de Naplouse puis nouveau départ pour l’Orient en 1121 où ils établissent leurs premières commanderies dans la vallée du Rhône (Bures-les-templiers) et le Languedoc (Verlhac). Ils rentrent en terre sainte vers 1123. Le roi Baudoin les missionne alors en 1125 pour chercher des renforts en France. Après l’obtention de leur règle en 1129, tous les templiers ne rentrent pas en terre sainte. Si Hugues de Payns, Geoffroy de Saint-Omer, André de Montbard, quittent la France, Payen de Montdidier restera en Picardie et Hugues de Rigaud dans la région languedocienne. Aucun faits d’armes ne leur est attribué au cours des premières années de leur existence. Nous avons même vu précédemment que parmi les neuf premiers templiers plusieurs étaient religieux. Ils semblent se cantonner à récolter des dons (argent, terre, commanderies) et il faudra attendre la maitrise de Robert de Craon en 1136 pour les voir combattre. Concernant les deux fondateurs de l’Ordre : Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer. Si le premier, mort en 1136, semble, selon certains auteurs, avoir quitté l’Ordre en 1131, date à laquelle ces mêmes auteurs placent la nomination de Robert de Craon, le second est attesté, selon l’hypothèse retenue par certains historiens, comme ayant été nommé duc de Thèbes en Grèce, ou il aurait terminé sa vie aventureuse de Templiers, vers l’an 1150. Pourquoi ont-ils quitté l’Ordre ?

Autre fait marquant, en janvier 1149, Robert de Craon meurt et laisse sa place de Maître de l'Ordre à Evrard des Barres qui se joint à Louis VII lorsque celui-ci retourne en France après les fêtes de Pâques en 1149. En mai 1150, il préside le Chapitre Général de l'Ordre à Paris. André de Montbard, alors Sénéchal de l'Ordre, adresse plusieurs lettres à son Maître en réclamant sa présence en Terre Sainte et en lui demandant d'envoyer des renforts et de l'argent. Evrard ne donne pas suite à ces missives, car il a décidé de renoncer à sa fonction de Maître de l'Ordre. En avril 1151, il entre dans l'Ordre Cistercien comme simple moine à l'abbaye de Clairvaux. Il y restera 24 ans dans la contemplation et la prière, jusqu'à sa mort en 1174.

Après la disparition de Bernard de Tramelay, quatrième maître de l’ordre, en 1153, André de Montbard accepte à l’âge de 51 ans, étant le dernier des neufs fondateurs, de devenir le cinquième maître de l’Ordre. Il empêche ainsi l’élection de Guillaume II de Chanaleilles qui, en tant que favori du roi Louis VII de France, aurait permis à ce dernier de contrôler l’Ordre. Sa maîtrise est de courte durée car malgré plus de 30 ans de service, il abandonne sa charge en 1156 à son successeur Bertrand de Blanquefort, puis se retire comme le troisième maître de l’Ordre, Evrard de Barres, à l’abbaye de Clairvaux, fondée par son neveu Bernard sur des terres offertes par son frère Raynard de Montbard.

1111 : les débuts du temple

Bernard de Fontaine.

Vers 1100, il est envoyé à l'école canoniale de Saint-Vorles à Châtillon-sur-Seine. Après les rudiments, il suit le trivium, premier cycle d'enseignement consacré aux lettres (grammaire, rhétorique et dialectique). Montrant un goût particulier pour la littérature, il acquiert une bonne connaissance de la Bible, des Pères de l'Église et de divers auteurs latins : Horace, Lucain, Sénèque (Lettres à Lucilius), Tacite, Juvénal, Perse, Stace, Térence et, surtout, Cicéron, Virgile et Ovide (y compris, de ce dernier, l'Art d'aimer), ce qui fait de lui un parfait représentant des lettrés de son temps. À l'âge de seize ou dix-sept ans, il perd sa mère et en est très vivement affecté. Il mène ensuite l'existence mondaine des jeunes nobles de son âge mais semble très vite vouloir entrer dans les ordres. Dans un premier temps, pour ne pas inquiéter sa famille par ses préparatifs à la vie monacale, il leur laisse entendre qu'il prépare un pèlerinage à Jérusalem (1). (1) Jean-Philippe Lecat, p. 64.

Entre 1106 et 1116, sont entreprises des fouilles par les premiers chevaliers du Temple, notamment dans les anciennes "Écuries de Salomon".  Au retour de son pèlerinage à Jérusalem, Etienne Harding entreprend la rédaction de la bible, dite de Cîteaux, qu’il publiera en 1109 et corrigera en 1111. Bernard de Fontaine, spécialiste de la bible, a sans aucun doute voulut avoir accès à ce nouveau manuscrit et sa lecture a déclenché un mouvement sans précédent.

En 1111-1112, il entre à l'abbaye de Cîteaux en compagnie de son oncle, Gaudry et de quatre de ses frères (le cadet Nivard les rejoindra plus tard) et d'une vingtaine de connaissances. Ils souhaitent répondre à un idéal plus rigoureux : retour à la simplicité dans la vie quotidienne, dans le culte et dans l'art ; rupture avec le monde, pauvreté, silence, travail manuel, tels seront les éléments principaux de la création cistercienne. Cela correspond aux souhaits de Bernard qui veut parvenir à l'ascèse monastique la plus rude. Cette ascèse est comparable selon lui à la route de Jérusalem :« par la montée rude (…), vers la Jérusalem de la liberté, celle d'en-haut, notre mère. » Jean-Philippe Lecat, p. 64.

L'attrait qu'exerce Bernard est parfaitement illustré par cette anecdote : vers 1129, l'évêque de Lincoln s'étonne de ne pas avoir de nouvelle d'un chevalier qui devait faire étape à Clairvaux sur la route des croisades. Bernard l'informe qu'il a économisé la route de Jérusalem en entrant au monastère.

L’histoire de la conversion de la parentèle de Bernard est bien connue. Elle est décrite dans sa vie comme un feu qui « s’attaquant de proche en proche à tout ce qui l’environne, finit par consumer même ce qui se trouve au-delà. Ainsi ce feu que le Seigneur avait envoyé dans le cœur de son serviteur, pour qu’il y allumât un incendie, s’attaque d’abord à ses frères, n’épargnant que le plus jeune d’entre eux, parce qu’il était dans un âge trop peu avancé encore pour prendre part au changement de vie de ses frères, et le plus âgé qui resta pour être la consolation de leur père, dévore ensuite ses primes, puis ses compagnons et ses amis, tous ceux qui pouvaient enfin concevoir l’espérance d’une conversion. » Le premier à le suivre fut son frère Barthélemy, qui n’avait pas encore commencé sa carrière militaire. André fit plus de difficulté, mais se rangea finalement à l’avis de Bernard. Guy, l’aîné, était marié et se sépara de sa femme pour le rejoindre au monastère. Cette dernière, dénommée Elisabeth se fit aussi moniale et devint ensuite prieure dans le monastère bénédictin de Jully-lès-Nonnains. Gérard et André, les deux derniers frères, finirent par se rendre à ses imprécations. Après la mort d’Aleth, Técelin rejoignit ses fils qui l’avaient délaissé pour le monastère. Le corps de la mère défunte, d’abord enterré à l’église Saint-Bénigne, rejoignit Clairvaux, pour achever l’absorption complète du premier cercle de la parentèle de saint Bernard. « Alors qu’il prêche en privé et en public, les mères cachent leurs fils, les femmes retiennent leurs maris, les amis se détournent mutuellement. » Il voit en chacun de ses proches un moine potentiel. Il emmène avec lui de nombreux cousins dont Geoffroy de la Roche-Vanneau, apparenté à son père, qui deviendra évêque de Langres, Robert de Châtillon, un cousin, qui trahit un temps son ordre pour Cluny, avant de fonder l’abbaye cistercienne de Noirlac, d’un ami proche Geoffroy d’Aignay et trois autres religieux Rénier, Elbaud et Gaucher qui deviendra le premier prieur de Clairvaux, et surtout Gaudry de Touillon, son oncle, qui se sépare de sa femme entrée au couvent des moniales de Molesme. Précisons que l’ensemble de la fratrie ayant été convertie à Cîteaux, il s’agissait non seulement d’un héritage spirituel mais aussi matériel. Vers la fin de sa vie, Tescelin devint moine en 1116 et sa mort le 11 avril 1117 est inscrite au registre des décès de l'église Saint-Benin de Dijon, où sa femme Aleth avait été enterré de nombreuses années auparavant. Tescelin avait lui aussi fait don de ses biens à l’abbaye quand il s’y retira.

Saint Bernard refuse ainsi de passer par une étape considérée essentielle avant toute entrée dans la vie monastique : quitter sa parenté. Tous ses frères vinrent avec lui à Cîteaux. Les premières terres qui furent données pour les nouvelles fondations de l’ordre, alors en pleine expansion, provenaient de dons de son père et d’autres de ses cousins. Et il continua à entretenir des relations avec ses parents restés en dehors du monastère : citons par exemple le fait qu’il dédia un texte à la nouvelle chevalerie, les Templiers, dont son oncle, André de Montbard (1103-1156), était l’un des fondateurs, et devint le cinquième maître de l’ordre. Hugues de Payen, premier maître de l’ordre, n’échappe pas à cette règle. Thierry Leroy fait de lui l’époux de l’héritière de Montigny, château appartenant à Bernard Ier de Montbard, il est donc lui aussi, par alliance, un oncle de Bernard de Clairvaux. Il partira, dès 1114, en Palestine pour former en quelque sorte, le bras armé de Cîteaux. Une datation allemande de 1976 indique que « l'ordre du Temple naît en tant qu'institution autonome de l'Église, en 1112 ». Hugues de Payen, en contact étroit avec Etienne Harding au moins depuis son premier voyage en terre Sainte entre 1104 et 1108 a sans aucun doute assisté à l’arrivée de la famille Montbard à Citeaux.

Entre 1113 et 1115 se déroule la fondation du prieuré de Jully prouvant encore plus, s’il en est besoin, les rapports intimes de l’abbaye de Molesme et des Châtillon. Lors de l’entrée de Bernard à Cîteaux, il fallut régler le sort des épouses de ses compagnons (plusieurs étaient en effet mariés, à l’image de son frère Guy). La séparation des époux ne pouvait théoriquement avoir lieu qu’à la condition unique que les deux conjoints entrent dans les ordres. Bernard se tourne alors vers Molesmes qui possédait dans le diocèse de langres une église paroissiale au lieu nommé Jully. Tout près, le comte milon de Bar-sur-Seine, avait un château. Mis au courant soit par Bernard lui-même, soit par Rainard de Montbard son oncle et vassal de Milon, le comte céda le château de Jully à Molesme () à cette pieuse condition que ce même lieu appartienne tout entier à des femmes religieuses. La première prieure de Jully est bien évidemment choisie parmi les épouses du groupe, ce fut Elisabeth, la femme de Guy. Vers 1124, la sœur de Bernard, Hombeline, entre à son tour à Jully. Elle y retrouve sa belle-sœur Elisabeth, sa tante, la veuve de Gaudry de Touillon et ses cousines, les filles du même Gaudry, ainsi que probablement d’autres de ses belles-sœurs et de ses parentes et devient même prieure au départ d’Elisabeth pour Larrey et ce, jusqu’à sa mort. Le 28 mars 1128, la tante de Bernard, Aanolz, veuve pour la seconde fois, prend le voile comme sœur converse. Lors de sa conversion, Aanolz cède à Jully dix livres de rente sur les foires de Bar-sur-Aude apartenant à son époux défunt. Cette donation et sa confirmation par Vilain, évêque de Langres, se font à Bar-sur-Aude en présence de Bernard et de nombreux membres de la famille, dont Rénier de la Roche (beau-frère d’Aanolz), Bernard II de Montbard (cousin de Bernard et époux de Humberge de Roucy, sœur de Hugues « brito »), Gérard (frère de bernard), André de Baudement (un cousin) sans oublier l’évêque Vilain, lui-même cousin de Bernard. Par la suite en 1142, Godefroi de la Roche devenu évêque de Langres et Bernard reçoivent à la vêture Mathilde et Halwide, filles de André de Baudement.  Laurent Veyssière. Unanimité et diversité cisterciennes : filiations, réseaux, relectures… de centre européen de recherches sur les congrégations et ordres religieux. Colloque international.

L’œuvre de Bernard est imité par ses moines : Bernard Paganelli, ancien moine de Clairvaux devenu pape sous le nom d’Eugène III, délivre trois bulles à Molesme le 18 novembre 1145, dont une confirmation du gouvernement du prieuré de Jully et de toute sa filiation. Jully apparaît ainsi de plus en plus comme le pendant féminin de Clairvaux. L’illustre abbaye abritait les hommes, Jully recevait les femmes.

En 1115, Étienne Harding envoie le jeune homme à la tête d'un groupe de moines pour fonder une nouvelle maison cistercienne dans une clairière isolée à une quinzaine de kilomètres de Bar-sur-Aube : le val d'Absinthe, sur une terre donnée par le comte Hugues de Champagne à son retour de terre sainte qu’il avait dû quitter à regrets, quittant par la même occasion son ami Hugues de Payen. La fondation est appelée « claire vallée » (clara vallis), qui devient ensuite « Clairvaux ». Bernard est élu abbé de cette nouvelle abbaye, fonction qu’il ne quittera pas sa vie entière, et confirmé à Châlons par Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons et célèbre théologien. Il poursuit ses études sur les Saintes Écritures et sur les Pères de l'Église.

Clairvaux sera étroitement lié à l’Ordre du temple jusqu’à la mort de Bernard en 1153 et l’entrée à l’abbaye de son oncle André, maître du Temple en 1156.

Les évêques de Châlons-en-Champagne avait le titre de comte.

Source : Jean-Pierre Ravaux, « les évêques de Châlons-sur-Marne des origines à 1789 ».

Au XIe siècle, les évêques de Châlons pérennisent la charge de Vidame de Châlons qui devient un fief héréditaire. De simples officiers, les vidames deviennent ainsi vassaux de l’évêque et acquièrent une certaine importance. Le fief du vidamé consiste en un hôtel à côté du palais de l’évêque et une portion de l’évêché. Ils sont chargés de rendre la justice et de défendre les biens de l’évêché. Ils mènent l’armée des vassaux de l’évêque et protègent les églises. Ils exercent l’autorité civile et militaire et sont les premiers des pairs de l’évêque, le premier baron et son chancelier, chargé de la garde de l’anneau épiscopal. En tant que titulaire de l’une des anciennes pairies de France, l’évêque-comte de Châlons portait l’anneau du Roi au cours de la cérémonie du sacre du roi de France. Au début du XIIe siècle, entre 1093 et 1100 date de sa mort, c’est Philippe Ier de Champagne, frère de Hugues comte de Champagne, qui a la fonction d’évêque de Châlons. Lui succède ensuite, Hugues, évêque de Châlons-sur-Marne (1100- 20 mai 1113), période durant laquelle, Hugues « brito », fils de André de Ramerupt, est présent sur les chartes de Champagne. Il est également connu en Espagne, lors de la Reconquista, sous le nom de « Huas de Xalon ». Il aurait tiré du décret d’Yves de Chartres une Summa Decretorum, ce qui fait de lui un érudit en plus d’un chevalier, à l’exemple de son arrière-grand-père, Ebles de Roucy, qui fut le premier à cumuler les fonctions de dignitaire de l'Eglise et de chef militaire, archevêque et comte de Reims, étrennant ainsi l'image de l’"archevêque de Reims, grand chef militaire" (1030).

Dans sa thèse sur la formation du comté de Champagne, M. Bur nous apprend qu’entre 1104 et 1107, Hugues fut capturé par Albéric de Moëlain et enfermé dans une forteresse du diocèse de Toul (1). Ces dates correspondent au laps de temps durant lequel Hugues « brito » est absent des chartres, mais également à la période durant laquelle Hugues Ier, comte de Champagne, effectue son pèlerinage en terre sainte en compagnie du futur maître des Templiers. (1) M.Bur, la formation du comté de Champagne, p.261, n97. Par ailleurs on apprend que Hugues aurait été chanoine de Toul, et c’est à peu près tout ce que l’on sait de lui.

Revenons en 1097, le comte Hugues de Champagne célèbre la fête de Pâques à l’abbaye de Molesme et y tient sa cour. Parmi ses vassaux, on remarque son frère Philippe, évêque de Châlons, son sénéchal Grosbert le Roux et Gui de Vignory. Hugues de Payns n’est pas encore présent à ses côtés.

Né aux environ de 1070, Hugues de Payns comme Hugues « brito » de Ramerupt sont en âge de se marier après 1095. D’après Thierry Leroy, Hugues de Payns aurait épousé l’héritière de Montigny. Jacques Laurent, dans son ouvrage, précise la mention suivante : « jusqu'à sa profession, Hugues de Montigny vivait en compagnie d'Hugues de Payens, sire de Montigny, qu'une étroite parenté reliait à l'illustre fondateur de l'ordre du temple ». Une nièce de Hugues de Montigny, Mahaut, fille de Bernard I de Montbard pourrait être une candidate au mariage : elle épouse en 1078, à l’âge de 16 ans Gaucher I, sire de Nolay-en-Nivernais qui meurt aux croisades vers 1096. Il est dès lors probable qu’elle se remarie aux alentours de 1097. S’ils eurent un fils, il sera né au plus tard en 1099, date du décès de Mahaut de Montbard.

1099 une donation à l’abbaye de Molême a comme témoins : Widonis ; Hugo et Ilerannus, filii Odonis Pagani. (Arch.de la Côte-d’or, Cart.de Molême, t.I, pp.38,39.) Eudes-Payen, jusque-là présent sur les chartes concernant les territoires aux alentours de Montigny, n’est cité que pour confirmer la position de ses fils dans la société féodale. On peut donc supposer aisément qu'à cette date Eude-Payen de Montigny est mort.

Au cours de l'année 1100, Hugues de Ménétreux, ayant pris le nom de Montigny-Montfort, entre à Molesme. Le domaine de Montigny-Montfort est alors vacant.

Cette même année sur une donation faite à l’abbaye de Molesme par Gui Cardon, frère de Eudes-Payen, lorsqu’il permit à son fils ainé de prendre l’habit religieux à Molesme, Hugues de Payns apparaît pour la seule et unique fois en qualité de seigneur de Montigny (Hugo de pedano, Montiniaci dominus). Il y est accompagné de Hugues de Montigny (Hugues de Ménétreux, frère de Bernard de Montbard), de Eudes de Rougemont et Gibuin de Bucé. Il est acceptable de penser que, vivant en compagnie de Hugues de Montigny et marié à une Montbard, Hugues de Payns ait joué le rôle de seigneur de Montigny.

Philippe Ier de Champagne, évêque de Châlons décède le 5 avril 1100.

Vers le 21 Octobre 1100, Hugues de Payns rejoint son suzerain, le comte de Champagne dans la grande salle de son château de Troyes. Cette même année, un comte-évêque nommé Hugues est placé à la tête de Châlons-en-Champagne. Hugues de Ramerupt est connu sur les chartes espagnoles en tant que Huas de Xalon (Hugues de Châlons). C’est, sans équivoque, lui le nouvel élu, mais il garde cependant son titre de Pedano, seigneur du péage (pedaggio) ou Paganis pouvant se traduire par « paiements » d’où Peans – Peanz (XIIe siècle) de l’ancien français paage.

Au XIe siècle, apparaissent des évêques-comtes comme ceux de Reims, Langres, Laon qui seront ducs et Pairs de France ; ceux de Beauvais, Châlons, Noyon qui resteront comtes, mais seront eux aussi Pairs de France. L’évêque-comte de Châlons tenait ses plaids en déléguant prévôt et bailli, correspondant aux missi dominici souvent envoyé en collège de deux ou trois, comptant en général au moins un comte et un évêque. Il est clair, de par sa présence sur les chartes en compagnie du comte de Champagne, que Hugues de Payns n’est pas seulement gardien du péage, qu’il tient une place importante à la cour de Champagne. Le missus est chargé de lever l’impôt, de rendre justice et d’appliquer les lois. Il lève également les forces armées. Ce statut se retrouve sur les chartres où Hugues, Hugo de pedano, montiniaci dominus est accompagné d’un membre du clergé, Hugo de Montiniaco. Guy Bordel (guido de penniaco) successeur de Hugues au péage de Payns est accompagné, lui aussi, de Gibuin, le vicomte de Payns (Gibuinus vicecomes de Painz) et de Centorius, le prévôt de Payns. L’église est également représentée par Herbert, hermite de Payns (Herbenus heremita de Payenz.

Hugues de Châlons tiendra ses fonctions de 1100 à 1113. Il quitte ensuite sa fonction d’évêque. Quitte, car contrairement à ses prédécesseurs et successeurs, la liste des évêques de Châlons ne mentionne pas son décès ; Philippe Ier de Champagne † 1100, Guillaume de Champeaux † 1121.

Sur le cartulaire de Molesme, après 1100, Gauthier, fils de Guy, devenu seigneur de Montigny après la mort de son père, confirma le don que celui-ci avait fait quelques mois auparavant. "Sciendum vero est quod Gauterius Montiniaci dominus, honoris castri successor effectus". Le nouveau seigneur de Montigny-Montfort devient donc Gauthier, fils de Guy Cardon, Hugues de Payns rentre alors sur ses terres de Châlons-en-Champagne et signe en 1102, sous le nom Hugo de Pedans, un acte de Constance, comtesse de Troyes, à Attigny situé à 60kms au nord de Châlons. Il signera également deux autres chartes en compagnie de son père André de Ramerupt, sous le simple nom de Hugo brito. En 1103, afin de réitérer les liens entre les maisons de Ramerupt et de Montbard, André de Ramerupt marie sa fille Humberge de Roucy à Bernard II de Montbard. Hugues restera à la tête de Châlons-en-Champagne de 1100 à 1113, avec un interlude de 1104 à 1107, période durant laquelle il accompagne le comte Hugues de champagne en terre sainte. Hugues « brito » (1070-1108) sera présent, pour la dernière fois sous ce nom, ce qui fait dire aux généalogistes qu’il mourut cette même année (on le retrouve pourtant dès 1123 sur les chartes espagnoles portant le nom de Huas de Xalon), sur une charte de Chatillon sur Seine pour la confirmation de don fait à Molesme devant le concile de Troyes en avril 1104 et l'octroi de la totalité de la potestas (villa) de Rumilly, sur laquelle sont cités comme témoins: Andreas rameruci comes, Hugo cognomine brito filius ejus.

En 1108, Hugues de Payns épouse Elisabeth de Chappes, fille de Clérambaud de chappes « Hugo de Pahans et Hisabeth uxoris eius » et signera une dernière charte, cette fois avec le titre de Seigneur de Payns Hugo dominus de Paenz.

En 1113, Hugues de Châlons (Brito-de Payns) repart alors en terre sainte où il fondera la milice des pauvres chevaliers du christ et du temple de Salomon. Il cède le poste de Comte-évêque de Châlons à Guillaume de Champeaux, célèbre philosophe originaire de Champeaux et fondateur de l’Abbaye de Saint Victor, abbaye de chanoines réguliers, bien que les chanoines de Champeaux aient été des chanoines séculiers et refusèrent ensuite de se rallier à la Congrégation de Saint Victor. Guillaume de Champeaux accéda à la prêtrise puis aux plus hautes charges. Il fut Archidiacre de Paris et Ecolâtre de Notre-Dame (Directeur) en tant que Maître en philosophie et en théologie de l’Ecole Episcopale de Paris – ancêtre de l’Université parisienne. En 1108, il quitte sa charge pour prendre l’habit de chanoine régulier en fondant l’Abbaye de St Victor au pied de la montagne Sainte-Geneviève. Il y transporte aussi son enseignement et ses élèves le suivent. C’est la première fois qu’un monastère est aussi une université. Très célèbre en son temps, il aura comme élève et contradicteur Abélard.

C’est en tant que tel qu’il rencontre Bernard élu abbé de la nouvelle abbaye de Clairvaux. Le 15 août 1115, il ordonna prêtre le futur saint Bernard, ce dernier restant trois mois à Châlons auprès de lui. En 1116, Guillaume de Champeaux vient au Chapitre de l’Abbaye défendre Bernard malade et, en 1118, lui demande de se reposer, lui-même assumant une part de sa charge. C’est à cette époque que se développe le recrutement des moines. Nul doute que le soutien officiel de l’Evêque et protecteur Guillaume de Champeaux n’ait encouragé ces nombreuses vocations qui permirent dès 1118 de fonder d’autres abbayes. C’est également en 1118, effet du hasard ou relation directe, que l’ordre du Temple verra officiellement le jour.

Ami fidèle de saint Bernard, jusqu’à sa mort il le soutint et l’encouragea. Il reçut l'habit monastique de Clairvaux, où il mourut peu après en 1121. Il sera alors remplacé par Ebles de Roucy (1122-11126) qui n’est autre que le frère de Hugues « brito » de Ramerupt (Huas de Xalon).

Dès 1118, de nouvelles maisons doivent être fondées pour éviter l'engorgement de Clairvaux. Les trois premières fondations sont La Ferté, Pontigny, et Morimond. Ces premières fondations sont implantées dans les domaines des seigneuries alliées ou amies.

Entre Sermaize-les-Bains et Saint-Dizier, au milieu de la forêt de Trois-Fontaines, partie de l'ancienne forêt de Luiz, qui s'étend sur près de 8.000 hectares, se trouve le petit village de Trois-Fontaines, qui tire son origine de l'abbaye du même nom. L'abbaye cistercienne fut fondée en 1118 au diocèse de Châlons-en-Champagne ; elle était la première abbaye-fille de Clairvaux sous l'abbatiat de saint Bernard. Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons, ancien écolâtre de Notre-Dame de Paris, obtient d'Hugues de Vitry un domaine dans la forêt de Luiz pour y fonder une abbaye de l'ordre de Cîteaux avec le consentement du comte Hugues. On voit dans les Actes des évêques de Châlons-sur-Marne une charte de Bozon, septième successeur de Guillaume de Champeaux, qui certifie de l’emploi, pour la construction de cette abbaye, d’une portion de la forêt de Luis, cédée par Alard et par plusieurs autres personnes aux chanoines de Saint-Sauveur. « Moi Bozon, évêque de Châlons-sur-Marne, fais savoir à tous présents et à venir, que Hugues, comte de Troyes, a remis entre les mains de Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, la portion de la forêt de Luis, qu’il a fait séparer du reste par Pierre Prêvost de Vitry pour le prêtre Alard et ses confrères ». On voit par cette charte qu’on doit regarder non-seulement Guillaume, mais le comte Hugues lui-même, comme fondateur de l’abbaye de Trois-Fontaines. Il semble, de ce fait, très impliqué dans la gestion de l’abbaye de Clairvaux dont il avait financé la fondation. Hugues de Mâcon ou de Vitry est un religieux cistercien du xiie siècle, premier abbé de Pontigny (1114-1137) puis 53e évêque d'Auxerre (1137-1151). Clerc séculier, il est converti à la vie monastique par saint Bernard et entre avec lui à Cîteaux, probablement en 1113. Dès 1114, il est choisi par l'abbé Étienne Harding pour fonder la seconde abbaye-fille Cîteaux : l'abbaye de Pontigny, dont il devient le premier abbé.

Bernard de Clairvaux peut également compter sur le soutien de sa propre famille. Non seulement ses oncles et frères entrés avec lui à Cîteaux mais aussi sur les membres demeurés dans le monde. (2).

Fondée en 1119 par Bernard de Clairvaux l’abbaye de Fontenay est située sur la commune de Marmagne. On se souvient que Hugues de Montigny, frère de Bernard Ier de Montbard, a épousé Emeline, fille de Gislebert de Marmagne. Le premier abbé est Geoffroy de la Roche-Vanneau, cousin de Bernard, frère de Robert de Chatillon qui avait suivi Bernard à Cîteaux. Ils sont tous deux fils de la sœur d’Aleth de Montbard et avaient pour sœur, Agnès, qui sera première abbesse du Puit d’Orbe et fera don à Fontenay, afin de conserver les rapports d’un bon voisinage, de 32 ouvrées de vigne au Fain et à la Maladière, qu’elle tenait de Richard de Curtisnabodi comme dot de sa fille Ermengarde qui fera profession religieuse en 1151. Elisabeth, autre abbesse de Puit d’Orbe, donnera à Haymon, abbé de Fontenay, le reste du « desertum de Fontanis firibus segestri contiguum » dont l’autre partie avait été cédé par Rainard de Montbard, fondateur de l’abbaye de Puit d’Orbe. Le successeur de Geoffroy de la Roche-Vanneau, lorsque celui-ci retournera à Clairvaux en 1126 avant de devenir Evêque de Langres sous l’insistance de Bernard, sera Guillaume d’Epiny (de spiriaco) autre parent de Bernard.

Il ne serait pas possible de citer tous les colons ou manants qui abandonnent leurs biens pour avoir droit aux prières, à la sépulture ou à la retraite dans une maison de Fontenay, tels que les haymon, les Huilard, les Adeline de Marmagne et les Racena de Fresne. Les évêques d’Autun Etienne et Humbert donnent leur village de Courcelles, la vallée au-dessus du jardin jusqu’au moulin de Touillon avec la permission de pêche dans leur étang. Le duc de Bourgogne Hugues II reconnaît au monastère la haute et basse justice à Marmagne et abandonne en même temps tous ses droits sur Poiseul-la-Grange.

On peut trouver l’explication de l’empressement à combler Fontenay de biens non seulement dans la foi vive de ces jours, mais dans la parenté de Bernard de Clairvaux avec toute la féodalité de la Bourgogne, les ducs, les comtes d’Auxerre, de tonnerre. Les armes de l’abbaye de Fontenay ressemblent de prêt au blason des Montbard (d’azur aux deux bars adossés d’argent au chef parti :au premier d’azur semé de fleur de lys d’or et à la bordure composée d’argent et de gueules, au second bandé d’or et d’azur de six pièces et à la bordure de gueules). Celui de Citeaux comprends les armoiries de Montbard et la croix du Temple.                                                                                                                                                                                                                                  Fontenay   Fontenay          Citeaux Cîteaux         Montbard Montbard         Croix du templeTemple

 Approbation pontificale de l’ordre de Cîteaux le 23 décembre 1119 par Calixte II - le 23 janvier 1120, lors du concile de Naplouse, approbation de l’Ordre du Temple. Soit précisément un mois plus tard.

(2) Dans son étude, l'abbé Chaume énumère les ancêtres de Tescelin jusqu'à en dresser un arbre généalogique. Il fait, d'ailleurs, de même à l'égard des ascendants d'Aleth. Ainsi, la fille du seigneur de Montbard, héritière des comtes de Bar-sur-Seine et, « comme beaucoup le mentionnent » des anciens ducs de Bourgogne, épouse le seigneur de Fontaines. Sa famille, issue de la haute noblesse bourguignonne, est mieux représentée dans les sources que celle de son conjoint. Nous retrouvons ainsi un des neveux d'Aleth, Étienne, fils de Renard de Montbard, qui devient l'archidiacre de Langres en 1149, ainsi que ses frères Miles et Gaudry qui entrent avec Bernard à Cîteaux. Gaudry semble, d'ailleurs, être lié, grâce à son mariage, à Guy de Touillon, qui est vraisemblablement le beau-frère d'Hugues de Payns. Enfin, toujours du côté maternel, nous comptons aussi André, un autre frère d'Aleth, qui entre dans l'ordre du Temple en 1129 et en devient le Grand Maître en 1153. Nous trouvons également d'autres parents de saint Bernard, dont certains alliés à la maison des Couches, tels que Gautier de Couches, évêque de Chalon de 1080 à 1121, lequel fonde la Ferté, première fille de Cîteaux, ainsi que du seigneur de Mont-Saint-Jean et au vicomte de Beaune. Parmi ces hommes, nous notons également la présence d'André de Baudement, un des fidèles vassaux du comte de Champagne. Gaudry, autre fils de Bernard, par son mariage avec Elisabeth, est devenu seigneur du château de Touillon, près de Montbard, en 1128. Au moment de sa conversion il était donc marié et avait quatre enfants, deux filles dont on ignore l’identité et deux garçons, Gauthier et Lambert. Tous entrèrent en religion. Lambert était déjà religieux au moment de la décision de Gaudry, son père.  Quelques-uns font de lui un religieux de Clairvaux. Mais cette abbaye ne fut fondée qu’en 1115.  Mais nous avons la trace d’une charte qui nous dit qu’il était plutôt à Molesme. Dans cet acte, Gauthier le fils ainé fait donation à Molesme, pour le vestiaire de son frère Lambert, d’un serf nommé Robert. Le-dit Gaudry était un proche parent de Guy de Touillon. Eudes 2 de Rougemont (fils de Hermessende de montigny) épouse la nièce de Guy de Touillon (Guy de Touillon partage avec Hugues de Montigny la dîmes de Trichey). Elisabeth et les deux filles devinrent religieuses à Jully-les-Nonnains après avoir transité par Molesme. Quant à Gauthier qui se retira également à Molesme, son départ suivit de près celui de son père car dès 1113,  Gaudry vendit son château de Touillon à Etienne de Bagé, Evêque d’Autun. Gaudry était donc présent dans le groupe qui se présenta à Citeaux au printemps 1113. Il fit partie des 12 moines qui fondèrent Clairvaux en 1115. C’était déjà un homme âgé. Devenu simple moine à Clairvaux on perd sa trace n’ayant semble-t-il été chargé d’aucune responsabilité dans cette abbaye. On situe sa mort en 1124. Il a été inhumé dans le tombeau ou reposait déjà son beau-frère Tescelin.

Nivard de Fontaine

En 1116, Nivard, vint avec son vieux père, Tescelin, rejoindre son frère Bernard au monastère de Clairvaux. La fratrie de l’abbé de Clairvaux est ainsi à nouveau réunie. En février 1117, Bernard de Clairvaux fait son entrée à Seborga où il rejoint ses confrères Gondemar et Rossal, qui avaient été envoyés en 1113-1114 (1) avec ordre de protéger « le grand secret ». (1) On se souvient qu’Hugues de Payen et Hugues de Champagne avaient, eux aussi, quitté la France en 1114.

Il est possible qu’il ait été accompagné de son jeune frère Nivard. Ils y retrouvent alors leur oncle André de Montbard, Hugues de Payen et Geoffroi de Saint-Omer. Il faudra dès lors attendre les années 1130-1132 pour que l’on parle à nouveau de Nivard.

À Montdidier, l'église du Saint-Sépulcre doit son existence à la première croisade. Hugues de Payns, né à Montdidier (1) et l'un des fondateurs de l'ordre des Templiers, ainsi que Hugues de France, comte de Vermandois et de Montdidier, frère du roi Philippe Ier, étaient présents au siège de Jérusalem en 1099. Ils revinrent dans leur ville avec de nombreuses reliques et deux morceaux de la vraie Croix. Pour les abriter, la cité décida de construire une église consacrée au Saint-Sépulcre. Un premier édifice est achevé en 1146, année du départ de la seconde croisade. Mais la muraille que fit élever Philippe Auguste pour protéger la ville laissa l'église en dehors de l'enceinte. Elle fut détruite par la soldatesque en 1411 et rebâtie dès 1419, cette fois à l'intérieur des remparts. https://www.patrimoine-histoire.fr/  (1) Hugues de Payns serait en fait Hugues dit Brito, comte de Châlons  fils de André de Ramerupt seigneur de Montdidier cf : http://huesdepaenzdeleztroies.e-monsite.com/pages/comte-de-ramerupt/.

A l’instar du village de trois-fontaine qui tire son nom de l’abbaye s’y trouvant, la commanderie de Fontaine-sous-Montdidier, dont on ne connaît pas formellement l’origine, pourrait tenir son nom de Nivard de Fontaine, frère de Saint Bernard. Selon le site de la mairie de Fontaine-sous-Montdidier une seule et unique modification administrative est intervenue pour la commune de Fontaine-sous-Montdidier depuis 1930, à savoir Fontaine devient Fontaine-sous-Montdidier le 23 janvier 1956.

A l’époque qui nous intéresse, la seigneurie appartenait à la commanderie de templiers qui s'y trouvait et se nommée simplement « de Fontaine ».

Parmi les anciennes dénominations, très rapprochées de la forme actuelle, on trouve celle-ci : Fontanae juxta Montisdesiderium, dans une charte de l'Évêque Garin d'Amiens (1138). Le fondateur de la Commanderie avait pris pour armes de sa maison : « d'azur, au chevron d'or, accompagnée de trois étoiles ». 

Au XIe siècle, le village de Fontaine-les-Dijon va se dédoubler avec la construction d’une maison forte sur la butte de Fontaine confiée à la garde de Tescelin le Roux (père du futur saint Bernard) par le Duc de Bourgogne. Le blason de la ville a été adopté par délibération municipale du 11 mai 1970. Il se lit : "D’azur à la fasce ondée d’argent accompagnée en chef de trois saffres d’or". Ces armoiries sont une adaptation moderne des armoiries des sires de Saulx-Fontaine qui furent seigneurs de Fontaine au XIIIe et XIVe siècles. Elles sont visibles notamment sur la pierre tombale de Calon de Saulx, seigneur de Fontaine, mort en 1270. Cette pierre tombale est aujourd’hui déposée au musée archéologique de Dijon. Les saffres auraient été adoptés par Calon de Saulx en souvenir de sa mère Belote de Sombernon descendante du frère de saint Bernard. Fontaine les dijons

Tous les auteurs anciens qui se sont occupés de cette partie de la Picardie, ont attribué la fondation de la maison du Temple de Fontaine, à l’origine même de l’ordre. M. Mannier (1) dit aussi que Payen de Montdidier, l’un des fondateurs, aurait peu de temps après le concile de Troyes (1128), donné tous ses biens à l’Ordre, et entre autres, la terre de Fontaine (2). C’est bien possible mais il n’en existe aucune preuve. Tout ce que nous savons, c’est qu’en 1130, Nivard, surnommé Payen de Montdidier, était chargé des intérêts du nouvel Ordre, dans le diocèse de Noyon. D’après une charte publiée dans plusieurs ouvrages. (1) E.Mannier. les commanderies du grand prieuré de France, p.592. – (2) Textes de Trudon des Ormes – Etudes possessions de l’Ordre du Temple en Picardie – Amiens, imprimerie Yvert et Tellier – 1983.

Christian Wyttynck et Nicolas Neuville, deux passionnés d’histoire, publient l’ouvrage Le troisième Templier, Payen de Montdidier. Dans cet ouvrage, ce professeur d’agriculture retraité et le maire de Villers-Tournelle, par ailleurs professeur des écoles, dévoilent cette figure méconnue de Nivard (autre nom de Payen de Montdidier), l’un des neuf premiers Templiers. Celui-ci « fit don à l’Ordre de la troisième plus importante commanderie située à Fontaine-sous-Montdidier, dont des bornes de limitation sont encore visibles aujourd’hui dans la campagne ».

Les deux derniers actes nommant Hugues maître du temple, se sont fait sans la présence du grand maître. Une charte de Simon, évêque de Noyon, de 1130, accorde pendant un an à Hugues (Payen), maître des chevaliers du Temple, les annates des prébendes de sa cathédrale et les revenus de certaines prébendes qui pouvaient devenir vacantes. L'acte est passé à Noyon, en présence de Geoffroy, évêque de Châlons ; de Bernard, abbé de Clairvaux ; de Guy, abbé de Troisfontaines ; de Galerand, abbé d'Ourscamp, et de Nivard dit Payen, de Montdidier, chevalier du Temple, envoyé par Hugues, Maître de la milice du temple et auquel le fondateur Hugues, avait confié le soin des affaires de l'Ordre, dans cette région, c'est-à-dire dans le diocèse de Noyon et sans doute aussi dans le diocèse d'Amiens. Nivardus cognomine Paganus de Mondisderio, miles Templo Domini devotus, cui Hugo, magister militum Templi, curam rerum suarum tunc temporis in partibus istis commiserat. source : Beauvais, archivesdépartementales G 1984, fol 69. 

L'épithète de devotus, appliquée à Nivard, indique le zèle ardent qu'il portait à l'institution dont il fut l’un des premiers membres et cependant il ne semble pas être présent après 1130.

Il apparaît une dernière fois sur une donation de 1130 sur laquelle Guy Bordel complétait les premiers dons faits à la commanderie de Payns, dont le premier commandeur semble être Guy Bordel, lui-même, selon wikipédia.

Sur le cartulaire du Temple il est nommé ( sicut magister militum) pouvant se traduire par « capitaine de la garde ».

« Guido de Penniaco dedit eisdem militibus terram Ville Nove, sicut magister militum disposuit atque metatus est : concessit etiam eis decem arpennos prali in burgo Penniaci, vel in Longo Monte ; concessit etiam eis quicquid ex casamentis suis, futuro tempore, dabitur esi, salvo jure servitii sui, laudale (sic) hoc totum uxor (sic) ejus Elisabeth. Cujus rei testes sunt : Odo, Gualo, Herbertus, Roscelinus, Gibuinus, Garnerus, Bouellus. ». « Eodem tempore, Odo, Gosleni, filius, dedit eisdem militibus et concessit quod domus eorum que est Ville Nove, non daret molturam in molendinis Espinceii, aliquo in tempore. Concessit etiam eis decimas molendinorum et pisces et domum suam que fuerat domini Zacharie. Cujus rei testes sunt : Paganus de Disderio Monte, Herbertus heremita et Osmundus, in quorum presentia. Odo precepit ut hoc donum scriberetue, et hoc laudante Emelina, uxore sua. » cartulaire de Temple XXVIII orig. Jadis scellé : Paris, Arch. Nat. S4968, n°11 (Coulours, 1et n°de la 21e liasse).

Il est autorisé de penser que comme Hugues de Payns, disparu des chartes dès 1130 (les carnets secrets du prieuré de Sion le donnent pour Maître de 1118 à 1131) bien que sa mort soit survenu en 1136, Payen de Montdidier ait quitté ses fonctions au sein de l’Ordre du Temple, comme le feront plus tard les maîtres Evrard des Barres et André de Montbard qui entrèrent tous deux à Clairvaux.

Depuis son entrée à l’abbaye de Clairvaux en 1116, Nivard, fils de Tescelin de Fontaine, n’est attesté sur aucun document, ce n’est qu’à partir de 1132 qu’il est impliqué dans un grand nombre de fondations de monastère. Cette année-là, Bernard envoie son plus jeune frère à Vaucelles, où Nivard est nommé maître des novices. En 1135, Bernard lui confie une responsabilité encore plus grande, la fondation de l’abbaye de Buzay. Prieur, Nivard échoue à cause de difficultés matérielles. De retour à Clairvaux, il participe à la fondation de l’abbaye du Val-Richer. Il serait ensuite parti en Espagne pour visiter l’abbaye de Santa Espina. Nous n’avons aucun document ni sur le lieu ni la date de son décès.

La famille de Bernard I de Montbard a sans aucun doute tenu un rôle important dans la vie monastique cistercienne mais également dans la création de l’ordre du Temple. Hugues de Montigny, frère de Bernard I et proche de Hugues de Payns, entre à l’abbaye de Molesme d’où sortiront Robert fondateur de Molesme, Etienne Harding et d’autres compagnons qui fondèrent Citeaux mère de Clairvaux.  Aleth, fille ainée de Bernard I, aura pour mari Tescelin de Fontaine qui, accompagné de tous ses enfants, entrera à l’abbaye de Clairvaux. Gaudry, fils de Bernard I, y entrera également. De nombreux membres et amis proches de cette famille se feront également moines. Rainard de Monbard, fils de Bernard I, n’entre pas dans les Ordres mais comblera l’abbaye de nombreuses terres. Cette ferveur pour la vie monastique coïncide au départ pour la terre sainte d’Hugues de Payns, futur fondateur et premier grand maître de l’Ordre du Temple, qu’il fondera aux côtés de André de Montbard, autre fils de Bernard I de Montbard.

En conclusion de tout ceci, l’ordre du Temple semble inexorablement lié à la famille de Montbard et à l’ordre Cistercien. Clairvaux semble même être leur véritable point de départ.

Depuis neuf ans qu’ils avaient fait leur première profession, ils n’étaient encore que neuf.  Guillaume de Tyr.

Le 13 janvier 1129, le concile de Troyes s’ouvrit en présence de nombreuses personnalités religieuses dont le prologue de la Règle primitive du Temple nous donne les noms : le cardinal Mathieu d’Albano, légat du pape Honorius II en France ; les archevêques Raymond de Martigné de Reims et Henri Ier dit « le sanglier de Boisfrogues » de Sens ; l'évêque de Laon, Barthélemy de Jur ; quatre abbés cisterciens (Etienne Harding de Cîteaux, Bernard de Clairvaux, Hugues de Vitry de Pontigny et Guy de Trois-Fontaines) ; deux abbés clunisiens (Guy de Molesme et Raynaud de Semur de Vézelay) ; Le comte de Champagne, Thibaut IV de Blois et André de Baudement son sénéchal; Hugues de Payns, maître, Godefridus (= Gondemare ), (Bernard) Rollandus (marquisat de Provence, Vaucluse actuel), Gaufridus Biso/Bisol = Geoffroy de Bossoit (comté de Hainaut, Frameries, Belgique actuelle),Paganus de monte Desiderii = Payen de Montdidier (dans la Somme, en Picardie) et Archembaudum de Sancto Amano = Archambaud de Saint-Amand (ou Saint-Amant).

On peut noter que la règle des Templiers énoncée au cours du concile conviendrait mieux, pour la période 1120-1130, aux chevaliers Hospitaliers qui, depuis que Raymond Dupuis a pris le titre de Grand Maître en 1120, soignent, assurent les chemins aux pèlerins et combattent les infidèles. Les chevaliers du Temple, quant à eux, semblent en effet inactif face au conflit de terre sainte.

Au lendemain du concile et de l’obtention de leur règle, leur petit groupe se sépare : Hugues Rigaud assiste au concile avant d'agir en tant que visiteur puis procureur du Temple dans sa Provence natale. Payen de Montdidier, à la demande de Hugues de Payns, reste gérer toute la région Nord de la France en qualité de Précepteur de France. Bernard Rolland est désigné pour faire connaître l'Ordre dans le sud de la France et fonde une des plus grandes commanderies à Richerenches. Geoffroy de Bossoit ancien homme de Baudoin IV, comte du Hainaut, Rossal et Archambaud de Saint-Aignan semble disparaîtrent. André de Montbard, oncle de Bernard de Clairvaux, quant à lui part en terre sainte et devient conseiller de la reine Mélissende. Geoffroy de Saint-Omer semble également retourné en terre sainte mais ne réapparaîtra que bien des années plus tard en qualité de duc de Thèbes en Grèce. Le comte Hugues de Champagne, entré dans l’ordre en 1125, sera encore présent sur une charte de 1130 à Jérusalem, année présumée de son décès. Quant au premier maître du Temple, Hugues de Payns, il accompagnera Foulques d’Anjou rejoindre le roi Baudoin de Jérusalem, et si Foulques participe au siège de la ville de Damas aux côtés de Baudoin, rien ne confirme qu’Hugues de Payns y ait lui-même assisté.

On peut sans détour affirmer que la règle du Temple ne concernera véritablement l’Ordre qu’à la suite de la nomination de Robert de Craon au titre de Grand maître, suite au décès de Hugues de Payns en 1136.

Mais que dire alors de ces « neuf » premiers « pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon » ? Saint-Bernard, leur ami fidèle, dans son éloge à la nouvelle milice, les présente ainsi : « Voilà les hommes valeureux que le Seigneur a choisis d'un bout du monde à l'autre parmi les plus braves d'Israël pour en faire ses ministres et leur confier la garde du lit du vrai Salomon, c'est-à-dire la garde du Saint-Sépulcre, comme à des sentinelles fidèles et vigilantes, armées du glaive et habiles au métier des armes. » il est clair que Bernard de Clairvaux s’est largement inspiré du « cantique des cantiques » attribué au roi Salomon lui-même et qu’il a par ailleurs largement commenté au cours de son épiscopat, pour écrire sa louange. Le cantique nous dit ceci : « 06 qu’est-ce là qui monte du désert comme une colonne de fumée odorante d’encens et de myrrhe, de tous les aromates des marchands ?

07 c’est la litière de Salomon tout autour, soixante braves d’entre les braves d’Israël,

08 tous armés de glaives, entrainés à la guerre, chacun son épée à la hanche contre les terreurs de la nuit. »

Les Templiers seraient donc, avant tout, les gardiens du lit du vrai Salomon.

C'est le 30 décembre 1119, année de la fin de la reconstruction de l'édicule par les croisés, qu'est cité pour la première fois Hugues de Payns, sous le nom de Ugo de Pazence, comme témoin sans titre ou description dans le cartulaire général de l'ordre des Hospitaliers de saint jean de Jérusalem. Il a donc, sinon participé, au moins assisté à la restauration de la tombe du Christ et à la reconstruction de l'édicule. Ceci tendrait également à prouver que l'ordre du Temple est bien issu des Hospitaliers, comme le laisse entendre Bernard le Trésorier et l'affirme Brompton. Source : Les templiers : gardiens de la terre sainte et de la tombe du Christ. Daniel Minard. Cartulaire du St Sépulcre n°90a.

Connaissant la ferveur qui règne à cette époque pour les reliques, il est concevable de penser que les vestiges du tombeau primitif aient été conservés. Les compagnons d’Hugues de Payns s’étant désolidarisés de l’Ordre Hospitaliers de suite après ces travaux sur l’édicule du Saint-Sépulcre il est autorisé de croire qu’ils aient conservé au moins une partie de la construction originale (… leur confier la garde du lit du vrai Salomon, c'est-à-dire la garde du Saint-Sépulcre…).

En quoi consistait cette relique ?

Saint Bernard donne comme mission aux Templiers la garde du Saint-Sépulcre. Or nous savons que ces derniers ne sont pas restés en tant que gardiens du lieu. Ils ont donc été les gardiens du Saint-Sépulcre, en tant que tombeau, c’est-à-dire la pierre sur laquelle a reposé le corps du Christ. Wolfram von Eschenbach fut le premier et le seul à décrire le Graal comme étant une pierre.

La chronique d’Anjou écrite en 1100, raconte le pèlerinage de Foulques III Nerra (987-1040) qu’il effectue en 1035, « … il s’approcha du Sépulcre du seigneur …et y pria avec flot de larmes. Bientôt, quand la pierre dure fut ramollie, il pressentit le pouvoir divin, et, embrassant la tombe, il fut capable d’en arracher un morceau avec ses dents et de le cacher. A l’insu des Gentils, il l’emmena avec lui… retournant à Loches, il construisit une église en l’honneur du sépulcre du Seigneur à Beaulieu, et y installa des moines et des abbés. ».  Foulques embrasse donc la tombe qui ne peut être que la banquette sur laquelle le corps du christ a reposé. Louis Halphen and René Poupardin, Chroniques des comtes d’Anjou et des seigneurs d’Amboise (Paris : Picard 1913). En 1035, suite à la remise en état par Constantin Monaque de la tombe du Christ cinquante ans plus tôt, le lit de pierre sur lequel avait reposé son corps était toujours présent et visible. Par contre, trois reproductions de la tombe réalisées après la restauration des croisés, semblent montrer que le lit de pierre n’existait plus et avait été remplacé par une sorte de sarcophage. On peut trouver deux de ses miniatures dans histoire d’outremer de Guillaume de Tyr. Ms.828. fol. 83r, de la bibliothèque municipale de Lyon. Ainsi que celle de la façade de l’église de l’abbaye de Saint-Gilles-du-Gard réalisé entre 1150 et 1180. Cela a été également l’avis de Lobin qui réalisa les vitraux de l’église de l’abbaye de Beaulieu lors de sa restauration au XIXe siècle. Il donne toutefois à la banquette la forme d’un sarcophage conformément à ce que l’on observe depuis le XIIème siècle. Un des côtés porte l’inscription XP REXIT NON EST HIC pour « il a ressuscité, il n’est pas ici ». Daniel Minard.

En octobre 2016, la plaque de marbre recouvrant la tombe a été déplacée durant trois jours. La dernière fois que des hommes avaient pu accéder au cœur du lieu le plus saint du christianisme remontait à 1810, lorsque des travaux de restauration avaient été entrepris à la suite d'un incendie. Les 26, 27 et 28 octobre 2016, la pierre originale sur laquelle Jésus est ressuscité a été vue et touchée. « Le revêtement de marbre de la tombe (placé durant la Renaissance 1555) a été tiré par l’arrière, et nous avons été surpris par la quantité de matériau de remplissage au-dessous », détaille Fredrik Hiebert, archéologue à la National Geographic Society. « Mais nous allons enfin pouvoir voir la surface de la roche originale sur laquelle, selon la tradition, le corps du Christ a été posé ». 

Les matériaux de construction prélevés sur le site datent de l’ère romaine, ce qui suppose que le tombeau originel de Jésus a survécu à la destruction du site il y a 1000 ans. National Géographic. Sous le revêtement de marbre de 1555, se trouvait un autre revêtement en marbre beaucoup plus ancien et gravé d’une croix, visiblement endommagé et reposant directement sur le tombeau originel en calcaire. Selon les expertises, cette seconde plaque daterait du 4ème siècle, époque de l’Empereur Constantin. Ceci nous apprends que la pierre de calcaire sur laquelle aurait reposé le corps de Jésus était toujours intacte.

Mais y avait-il autre chose sur cette pierre à l’époque de la crucifixion ? jean (19.41-42) « Ils prirent donc le corps de Jésus et l’enveloppèrent de bandelettes, avec les aromates, comme c’est la coutume d’ensevelir chez les juifs. Or, il y avait un jardin à l’endroit où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un tombeau neuf où personne encore n’avait été mis. Ce fut là qu’ils déposèrent Jésus parce que c’était la préparation de la Pâques des Juifs et que le tombeau était proche. ». Mathieu (27.59-60) « Joseph prit le corps, l’enveloppa dans un drap de lin pur et le déposa dans un tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans la roche. » luc (23.53) « Il (Joseph) l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. ». Marc (15.46) « Et ayant acheté une toile de lin, l’ayant descendu, il le ligota dans la toile de lin et le déposa dans une tombe creusé dans le roc ; et il roula une pierre devant la porte du tombeau ». D’après ces récits, il semble que le tombeau de Jésus ne comportait rien de plus qu’une pierre taillée à même le roc et qui semble, de ce fait, difficile à être emportée.

La revue « National Geographic » a publié un article qui relate que « les matériaux de construction prélevés sur le site datent de l’ère romaine, ce qui suppose que le tombeau originel de Jésus a survécu à la destruction du site il y a 1 000 ans ». Il est également rapporté : « Le tombeau de Jésus à Jérusalem est bien le même site que celui découvert par les délégations de l’Empereur romain Constantin il y a près de 1700 ans. Le mortier prélevé entre les amas de calcaire à la surface du tombeau et la dalle en marbre qui le recouvre a été daté aux environs de 345 après Jésus-Christ. Selon les récits historiques, le tombeau a été mis au jour par les Romains et recouvert en 326 après notre ère. » En effet, « Quand la délégation de Constantin Ier est arrivée à Jérusalem en 325 après notre ère dans l’espoir de mettre à jour le tombeau de Jésus, plusieurs riverains ont indiqué un temple romain construit plus de 200 ans auparavant. Le temple romain a été rasé et des excavations ont révélé une tombe taillée dans la roche calcaire. Le haut de la tombe était cisaillé pour exposer l’intérieur du cercueil. L’édicule a été construit autour de cette tombe ». L’un des éléments de la tombe était une longue planche, ou « lit mortuaire », sur laquelle selon la tradition le corps de Jésus a été déposé après sa crucifixion. Les tombes à plusieurs niveaux creusées dans la roche étaient communes aux Juifs aisés de Jérusalem au 1er siècle. Mais comme nous l’avons vu précédemment, les évangiles canoniques ne parlent d’aucune planche. A ce stade, il semble bien que les Templiers n’aient rien pût emporter du tombeau du Christ puisqu’aujourd’hui tout est tel que l’a découvert Constantin au IVème siècle.

Il existe pourtant un reliquaire byzantin qui a abrité une pierre provenant du tombeau du Christ à Jérusalem, le Saint-Sépulcre. De cet objet malheureusement démonté et en partie détruit à la Révolution subsiste aussi le couvercle, orné de la croix du Christ. En 1204, Constantinople est prise par les croisés. Confronté à de graves problèmes financiers, l’empereur Baudoin II vend à Louis IX, le futur Saint Louis, certaines de ses plus précieuses reliques, dont la croix, la couronne d’épines et la pierre du Saint-Sépulcre, qui arrivent à Paris en 1241. Le roi, dont la piété est grande, les accueille solennellement. Le prestige de ces reliques rejaillit sur le royaume de France. Elles reçoivent un écrin exceptionnel quand Saint Louis fait construire à Paris la Sainte-Chapelle, conçue à la fois comme la chapelle de son palais et un reliquaire monumental. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Daniel Arnaudetzoom. Mais là encore il ne peut pas s’agir de la relique des Templiers décrite par Bernard de Clairvaux comme « le lit du vrai Salomon ». Il faut donc se résoudre à croire que la découverte des premiers Templiers ne se situe pas en 1120 lors de la reconstruction de l’édicule mais bien avant lors de leurs premières fouilles débutées dès 1106 sous la mosquée al-Aqsa, à partir des immenses salles qui deviendront « les écuries de Salomon ». 

Suite à la reconstruction de l'édicule du Saint-Sépulcre, les futurs Templiers s'émanciperont de l'Ordre des Hospitaliers, puis en 1139, l'ordre et ses maisons sont placé sous la protection directe du Saint-Siège, ce qui affranchira définitivement les templiers du clergé séculier, et notamment de la tutelle du patriarche de Jérusalem. Ils obtiendront même le droit de posséder leurs propres chapelles et leurs propres prêtres. Tout laisse à croire qu'ils aient adopté une autre croyance, le procès des templiers précisera que ces derniers renié le Christ en croix. Or le terme Christ signifie Seigneur, c'est à dire une personne consacrée par une onction divine et Jésus n'était pas le seul messie attendu de l'histoire.

 

Pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon.

Le chapitre 3 du cantique des cantiques, cher à Saint Bernard, nous dit "Qu'est-ce là qui monte du désert comme une colonne de fumée odorante d'encens et de myrrhe, de tous les aromates des marchands ? C'est la litière de Salomon ! tout autour, soixante braves d'entre les braves d'Israël, tous armés de glaives, entraînés à la guerre, chacun son épée à la hanche contre les terreurs de la nuit. Le palanquin fait pour le roi Salomon est en bois du Liban ; il a fait les colonnes d'argent, le toit en or, le siège de pourpre ; l'intérieur fut tapissé avec amour par les filles de Jérusalem. Sortez et regardez, filles de Sion, le roi Salomon avec la couronne dont sa mère le couronna au jour de ses noces, au jour de la joie de son cœur. " La colonne de fumée odorante d'encens et de myrrhe, ainsi que les aromates, évoque sans doute un embaumement, les terrreurs de la nuit nous font évidemment penser à la mort. La litière de Salomon, conduite sous la garde de ses soldats, serait donc son lit de mort que l'on mène jusqu'à sa dernière demeure. "au jour de la joie de son cœur", il repose désormais en paix.

Où se situait le lit du vrai Salomon ?

De nos jours il existe à Jérusalem deux lieux connus comme renfermant des tombeaux de rois mais aucun n'est contemporain des rois qu'ils sont censés abriter. A 800 mètre au nord des murs de la vieille ville, près de la porte de Damas, le Tombeau des rois est un ensemble de tombes juives monumentales taillées dans le roc datant de la période du second temple. La grande taille du site a conduit à la croyance erronée que les tombes avaient été autrefois le lieu de sépulture des rois de Juda, d'où le nom de tombeau des Rois, mais les tombes sont maintenant connues pour être le tombeau de la reine Hélène d'Abiabène, de Ben Kalba Savoua et de Nakdimon ben Gorion, deux philanthropes très actifs à l'époque du second temple. L'autre site est le tombeau de David, considéré comme le lieu de sépulture du roi d'Israël d'après une tradition datant du XIIème siècle, mais ce n'est en réalité qu'une structure médiévale, un cénotaphe, monument funéraire qui ne contient pas de corps, érigé par les croisés 2000 ans après la mort du Roi David, et a donc tout d'une tradition folklorique sans fondement historique. Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman 2006, p. 319.

La plupart des archéologues pensent que le site de l'inhumation de David est sous le mont Sion d'origine, à l'est de la cité de David.

Le cantique nous délivre un indice : "Sortez et regardez, filles de Sion". Charles Clermont-Ganneau, archéologue du XIXème siècle nous dit : « l'emplacement présumé de la nécropole royale de Jérusalem peuvent se ramener à deux : 1° Cette nécropole est à chercher sur la colline sud-ouest de Jérusalem, dite Djebel Nebi Daoûd et Mont Sion ; 2e Elle est à chercher sur la colline sud-est, dite D'hoûra et colline d'Ophel, immédiatement au sud du Haram, lequel a succédé à l'ancien temple juif. Les deux collines sont séparées par la vallée, aujourd'hui en partie comblée, que Josèphe appelle Tyropœon, et que, pour ma part, par des motifs non seulement topographiques, mais étymologiques trop longs à développer ici, j'inclinerais à identifier avec celle que la Bible appelle la vallée de Hinnom. La première théorie a surtout pour elle une tradition relativement ancienne , mais suspecte ; la seconde , des considérations très frappantes de topographie pure, dont la principale est celle-ci : c'est que cette colline sud-est semble avoir été réellement le site de la Jérusalem primitive, ce que la Bible appelle la «ville de David», la véritable montagne sacrée de Sion, sur la partie nord de laquelle s'élevait le Temple, et au pied oriental de laquelle jaillissait la seule source véritable que Jérusalem ait jamais possédée. La ville de David serait donc la véritable montagne sacrée de Sion, l’emplacement des Tombeaux des Rois est en intime corrélation avec le tracé de l’aqueduc souterrain de Siloé. La Cité de David est, selon les références bibliques, l'emplacement d'origine de la vieille ville de Jérusalem à l'époque du roi David. Elle était située au sud du Mont du Temple, entre le Tyropœôn à l'ouest, et la vallée de Cédron à l'est. Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 41 année, N. 4, 1897. pp. 383-427.

Selon Simon-Claude Mimouni, « Jadis, l'appellation Mont-Sion était portée par la colline de l'Ophel, elle désignait la Cité de David, comme on peut le lire en 2 Samuel 5,7 (« David s'empara de la forteresse de Sion : la Cité de David »). Dans le Livre des Rois 1, chapitre 2, on nous dit : "Alors David se coucha avec ses pères et on l'enterra dans la ville de David." La Cité de David est à des centaines de mètres de la montagne de Sion.

Le mont Sion est devenu une partie de la Jérusalem antique à l'époque du Premier Temple, lorsque la ville s'est développée vers l'ouest au-delà de la vallée du Tyropoeon. L'ensemble de la colline était alors appelé colline occidentale. Après la destruction du Premier Temple et le retour des exilés de Babylone, Jérusalem est reconstruite dans des proportions plus modestes et le mont Sion reste en dehors des murailles. Après quelques années, la colline occidentale est à nouveau intégrée à l'intérieur de la ville. Le mont Sion est entouré d'un rempart connu sous le nom de première muraille et mentionné par Flavius Josèphe. Il semble qu'au cours de l'époque du Second Temple, des esséniens aient établi un quartier sur le mont Sion. C'est après 70 de notre ère, alors que l'ancienne Cité de David, localisée sur la colline de l'Ophel, était totalement détruite par les légions romaines de Titus, que le transfert du nom Sion sur le site actuel dut probablement se réaliser ». Ron Peled, AllAboutJerusalem.com

Selon le site de la compagnie de voyage, Vered Hasharon, "Un chemin pour le mont du Temple et un impressionnant tunnel. L’ancienne Cité de David était située au sud de la vieille ville actuelle, à la frontière de la vallée du Cédron. Commencées au 19 ème siècle, les fouilles archéologiques perdurent jusqu’à aujourd’hui. Il y a quelques années l’ancien bassin de Siloé a été découvert à la confluence des vallées du Cédron et de Ben Hinnon. Lorsque les fouilles ont commencé, les archéologues ont découvert des escaliers qui se sont révélés être une partie de l’ancienne route qui menait du bassin de Siloé jusqu’au mont du Temple".

Sous le règne d’Hérode, il y a 2000 ans, la construction de ce somptueux bassin servait de lieu de rencontre principal pour les pèlerins qui se rendaient au Temple durant les fêtes de Pessah, Shavouot (le festival des semaines) et Soukhot (la fête du Tabernacle). A cette époque, une imposante route (la route d’Herode) connectait le bassin de Siloé au mont du Temple. Cette route était bordée de manufactures et de magasins durant la période hellénistique, avant d’être pavée sous le règne d’Hérode à Jérusalem. Le bassin de Siloé fut construit à la même époque afin de stocker l’eau destinée à désaltérer les pèlerins. L’importance de la route a progressivement augmenté sous l’afflux toujours plus grand des pèlerins. Le bassin de Siloé a joué un rôle crucial dans la cérémonie rituelle de la libation, lorsque l’eau du bassin fut emmenée au mont du Temple pour offrande.

Malgré que les fouilles du site de la route d’Hérode n’aient commencé il n’y a que quelques années, elles révèlent déjà toute sa splendeur. Attenant à la route, les archéologues ont découvert un important canal de 700 mètres de long. Courant du mur des Lamentations jusqu’au bassin de Siloé, il avait pour fonction de protéger la route des inondations.

Les fouilles et le nettoyage du tunnel ont rendu possible l’accès à l’intérieur de l’édifice et le passage du mont du Temple jusqu’au bassin de Siloé. Certaines sections distinctives de la route d’Hérode ont été révélées et sont observables tout au long de la voie.

Durant les fouilles des artefacts exceptionnels ont été mis au jour, dont certains ont de grandes similarités avec les descriptions de Flavius Joseph dans son livre ” La guerre des juifs “. Benjamin de Tudèle, voyageur juif du XIIème siècle, écrit dans son livre des voyages : "Il y a quinze ans qu'un des murs du Temple, que j'ai dit être sur la montagne de Sion, croula. Là-dessus, le patriarche donna ordre à un prêtre de le réparer des pierres qui se trouvaient dans les fondements des murailles de l'ancienne Sion. (...) Pendant donc que le reste des ouvriers furent à dîner, et que ceux-ci faisaient le travail qu'ils avaient promis, ils levèrent une pierre qui levait l'ouverture d'un antre, et se dirent l'un à l'autre, voyons s'il n'y a pas là-dessous quelque trésor caché. Après y être entrés, ils avancèrent jusques à un palais soutenu par des colonnes de marbre et couvert de feuilles d'or et d'argent. Au-devant il y avait une table avec un sceptre et une couronne dessus. C'était là le sépulcre de David, roi d'Israël. Celui de Salomon avec les mêmes ornements était à la gauche, aussi bien que plusieurs autres rois de Juda de la famille de David, qui avaient été enterrés dans ce lieu.". Les deux ouvriers, ayant alors entendu une voix venue d'outretombe leur intimer l'ordre de quitter ce lieu, s'enfuirent auprès du patriarche conter leur aventure, tous deux malades de la peur qu'ils avaient eu et refusant d'y retourner. "Ils refusèrent de retourner dans le lieu même, assurant qu'il n'était pas permis à aucun mortel de pénétrer dans un lieu dont Dieu défendait l'entrée. De sorte qu'elle a été bouchée par le commandement du patriarche, et la vue en a été ainsi cachée jusques à aujourd'hui.".

On se souvient que les premiers Templiers ont effectué des fouilles dans les immenses salles situées à l'extrémité sud-est de l'esplanade du Temple de Jérusalem et transformé ce lieu en écuries, les écuries de Salomon. Après la libération d'Al-Quds en 1187, le lieu, l'un des plus saisissants espaces souterrains de la ville, a été nettoyé puis transformé en mosquée (Al-Marwani). Ce quartier de la ville dissimule un labyrinthe souterrain de cavités naturelles, de canaux construits par les cananéens, de tunnels dus aux judéens et de carrières, oeuvres des Romains. Un siècle et demi de découvertes sous la ville ont bouleversés d'anciennes croyances. A l'heure actuelle, beaucoup d'archéologues réfutent la description biblique d'une Jérusalem resplendissante, capitale du grand empire du roi Salomon. Nulle découverte archéologique relative à son époque ne mentionne le célèbre monarque. La Jérusalem primitive était plus probablement une petite ville fortifiée sur une colline. Elle se limiterait donc à ce que l'on nomme aujourd'hui la cité de David.

Selon des références bibliques, on a situé les écuries des Templiers à proximité des ruines du Temple de Salomon, or sous l'esplanade en direction du nord et du Dôme du Rocher, les salles voutées ont été construites par Hérode Ier le Grand pour servir de soubassement nivelant la cour du mont du temple. Le Temple de Salomon, antérieur à celui d'Hérode, doit de ce fait être situé vers le sud en direction de la vallée de Tiropéon et de la source de Gihon, seule source naturelle de la région de Jérusalem, située à l'est de la ville de David qu'elle alimentait grâce au tunnel d'Ezéchias. Avant le creusement du tunnel, l'eau s'écoulait naturellement dans la vallée de Cédron. Quelques centaines de mètres séparent le cœur de l'ancienne cité de David des écuries de Salomon qu'il doit être aisé de relier si l'on découvre le bon tunnel. Exploit qu'on dût réaliser les Chevalier de l'Ordre du Temple. Ce qu'ils y ont alors découvert nous est indiqué par Charles Clermont-Ganneau : " Si Hyrkan Ier et après lui Hérode en a enlevé les richesses qui y avaient été enfouies, ils y ont certainement laissé en place les sarcophages de David, de Salomon et de leurs successeurs, avec les inscriptions qui devaient y être gravées, et les objets en matières non précieuses. »    Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 41 année, N. 4, 1897. pp. 383-427.

Où a été déplacée la relique ?

C’est dans l’œuvre du poête épique bavarois Wolfram von Eschenbach, Parzival, composée entre 1195 et 1215 d’après le Perceval de Chrétien de Troyes, qu’est fait mention pour la première fois du château de Montsalvage. Batie par le roi Titurel, chef des Templiers et fondateur de la dynastie du Graal, la forteresse de Montsalvage est située sur une haute colline de la terre de Salväsch (ou Sauveterre) et entourée d’une muraille.le château se trouve dans une région de forêts et de marais qui ne peuvent  en aucun cas évoquer les paysages de Jérusalem. Daniel Minard. L’ermite Trevrizent, dans le conte, en parle en ces termes : « De vaillants chevaliers ont leur demeure à Montsalvage où l’on garde le Graal. Ce sont les Templiers, ils vont chevauchant au loin en quête d’aventure. » Wolfram von Eschenbach, Parzival (1205)

Si l’on se réfère à l’ouvrage de Wolfram, le chef des templiers a fait batir un château pour y placer le Graal. En 1120, Hugues de Payns est le premier Maître de l’Ordre des Templiers, cependant aucun écrit ne nous dit qu’il a fait bâtir un quelconque château. Il faut donc chercher un autre chef des Templiers que l’on trouve en la personne de Gaston IV du Béarn.  En 1118, sur les terres de Navarre, neuf Chevalier du Conseil Magistral de l’Ordre du Chêne se constituent, selon le plan cistercien, en « Milice du Christ ». Ces premiers chevaliers venus peupler la place-forte de Monréal del campo furent envoyés par Bernard de Clairvaux. C’est ce collège qui transformera l’Ordre Navarrais du Chêne en Ordre du Saint Sauveur. Le nouvel Ordre jouira des mêmes avantages et prérogatives que l’Ordre du Temple de Salomon. L’Ordre du Saint Sauveur sera considéré comme un Ordre Templier. Alphonse VII, ayant fait bâtir, en 1121, la ville de Montréal, il en confia la garde aux chevaliers de l'ordre du Temple. La règle des chapelains de Montréal s’inspire de celle des chanoines du Saint Sépulcre, tandis que la règle militaire s’inspire de celle du Temple. Gaston IV de Béarn, Seigneur de Montréal et responsable de la Milice du Christ est fait Grand Maître du Saint Sauveur.

En 1123, Hugues de Châlons est présent en Espagne sur une charte de donation des dîmes par l'évêque Pierre de Saragosse. Il y figure sous le nom de Huas de Xalon et y côtoie Gaston de Béarn.

En 1127, le vicomte de Béarn, Gaston IV, dit Gaston le Croisé, revenait d’une guerre contre les Sarrasins où il avait contribué à la prise de Saragosse au côté de son oncle, Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon. Il fit cadeau à des moines bénédictins, dirigés par Dom Hélie, qui vivaient dans des cabanes de bois et de branchages, de la forêt nommée Faget dans le lieu appelé Silva Lata « la forêt étendue », afin d’y bâtir un monastère dédié à la Vierge Marie. L’acte de donation fut passé le 8 avril 1127. L’église, quant à elle, a pour particularité, son plan en croix grecque et le fait qu’elle soit surmontée d’une coupole, ce qui est assez insolite dans le Béarn. L’église possède le dépouillement qui caractérise tous les édifices cisterciens. Gaston de Béarn est à l’origine de la construction du château et de l’église de Montréal à Sauveterre, de l’abbaye de Sauvelade et de la cathédrale de Oloron (Sainte Marie). À la frontière du Béarn, cette petite cité médiévale construite sur escarpement rocheux bénéficie de sa situation au carrefour de la Soule et de la Basse Navarre. Sauveterre possède d'importants vestiges médiévaux : église Saint-André, tour Monréal, pont de la Légende et restes de fortifications. Au pied de la cité s'écoule le gave d'Oloron. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sauveterre-de-B%C3%A9arn#Moyen_%C3%82ge

Gaston IV de Béarn est donc le premier maître de l’Ordre du Saint-Sauveur assimilé à l’Ordre du Temple qui fait bâtir un château à Sauveterre, conformément à la description que nous donne Wolfram von Eschenbach.

Dans son conte du graal, Chrétien de Troyes ne nous donne pas le nom du château du Graal mais nous en donne une description : (v. 2907-3013) « … à la descente d’une colline, il parvint à une rivière. Il regarde l’eau rapide et profonde. Il n’ose pas s’y engager ». Le gave d’Oloron (ou lo gave de Sauveterre) est la rivière qui coule devant le château de Montréal de Sauveterre. Le mot gave signifie cours d’eau torrentiel.

« … celui qui pêche lui répond : …vous verrez devant vous, dans un val, une demeure où je réside, à proximité de rivière et de bois.

… c’est alors qu’il a vu devant lui, dans un val, apparaître le haut d’une tour. On n’aurait su trouver, d’ici jusqu’à Beyrouth, tour si belle ni si bien assise. Elle était carrée, en pierre grise, flanquée de deux tourelles ». La tour de Montréal, bâtie au XIIème siècle, haute de 37 mètres, était une tour carrée de défense et d’habitation. Elle fait partie des éléments défensifs de la ville de Sauveterre-de-Béarn, en plus des remparts et des quelques points forts tels, à l’est, l’église fortifié Saint-André et plus à l’ouest, le château vicomtal.

« … il s’en est allé vers la demeure. Devant la porte, il a trouvé un pont levis qui était abaissé ». Trois ponts menaient autrefois à la cité. Celui dit de la légende est le seul encore debout, il comportait à l’origine un pont levis bien qu’il ne lui reste qu’une seule arche supportant une porte fortifiée, le reste ayant été emporté par une crue au XVIIIème siècle, sans qu’on ne le reconstruise jamais. Les miracles de Rocamadour signalent la présence du pont et du castrum de Sauveterre dès la fin du XIIe siècle.

Ceci confirme ce que Wolfram nous dit dans Titurel, qu’il écrivit à la suite de Parzival, et dans lequel il situe le château du Graal en Espagne. Même si à cette époque le Béarn n’est pas situé en Espagne il n’en est pas loin. Il faut se rappeler que Gaston IV le Croisé, participe à la première croisade ainsi qu'à la Reconquista. Il y joue un rôle décisif aux côtés d'Alphonse Ier d'Aragon. Le Béarn devient l'alliée de l'Aragon, puis un pays vassal, la couronne aragonaise tentant de créer un vaste ensemble sur les deux versants des Pyrénées.

Afin de renforcer ce que l’on vient de voir, suivons l’itinéraire de Perceval. Il arrive, dans la soirée, à cheval devant le château du Graal. Son invité le questionne : « Mon ami, d’où veniez-vous aujourd’hui ? _ Monseigneur, fait-il, j’ai quitté ce matin même Beau Repaire, comme on l’appelle. _ Dieu me garde, fait l’homme de bien, vous avez fourni là une longue étape. Vous avez dû partir avant que le guetteur ait au matin corné l’aube. _ Mais non, il était déjà prime sonnée, fait le jeune homme, je vous l’assure. » Au château de Beau Repaire, Perceval a rencontré une jeune fille du nom de Blanchefleur. Ce nom évoque évidement celui du seigneur de Blanquefort dont la forteresse se situe à 190kms au nord du château de Montréal de Sauveterre-en-Béarn. Un cheval au trot parcours en moyenne 14kms par heure. Si Perceval est parti à prime, c’est-à-dire 6 heures du matin, il aura parcouru les 190kms en 13 heures et arrive donc au château de Montréal vers 19 heures.

La forteresse de Beau Repaire est décrite par Chrétien de Troyes en ces termes : « il a tant chevauché qu’il voit enfin une ville forte, très bien située, mais à l’extérieur des murs, il n’y avait rien que la mer, l’eau et la terre déserte. Il se hâte d’aller de l’avant en direction du château et, pour finir, il arrive en face de la porte. Mais il y a un pont à passer pour l’atteindre… il y avait dans la ville deux monastères, c’étaient deux abbayes, l’une de nonnes terrifiées, l’autre de moines à l’abandon. »  Le château seigneurial de Blanquefort, en Gironde, apparaît dans les textes au début du XIème siècle. Il est situé dans la région naturelle à l’est de Bordeaux, appelée l’entre deux mers, enserrée entre la rive droite de la Garonne au sud et la rive gauche de la Dordogne au nord.  Comme les terres alentour étaient marécageuses, les Romains, premiers occupants des lieus, ont dû surélever la route et le site castral. Ceux-ci étaient alors le seul émergeant de ces marais, grâce à la présence d'un affleurement rocheux naturel formé de mollasse. Au XIe siècle, un donjon de pierre de plan rectangulaire est construit, c'est la partie la plus ancienne du château de Blanquefort. Un seigneur nommé Akelmus Willelm Affurt, second seigneur de Blanquefort, est signalé dans une charte de 1028-1032. Le château en lui-même est noté dans le cartulaire de l'abbaye de La Sauve-Majeure en 1078-1080. Ces textes assurent l'existence du château dès le début du XIe siècle, ce qui en fait le premier château fort en pierre de Gironde. En effet, le nom même de la famille seigneuriale et du village proviennent du château. Les premiers textes évoquent « Blanqua fortis », c'est-à-dire le « fort blanc » car la blancheur des pierres au milieu des marécages a marqué les esprits des contemporains à une époque où même les églises étaient encore en bois. Il y a bien deux abbayes aux abords de Blanquefort, l’abbaye de la Sauve-Majeur fondé par l’abbé Gérard de Corbie en 1079 abrite une colonie de moines, et l’abbaye de Bonlieu, nom qui fait de suite penser à Beau Repaire, qui accueille des religieuses et des abbesses. En 1200, Geoffroy, archevêque de Tours, accorde aux religieuses de Bonlieu, diocèse du Mans, la permission de quêter dans toute l’étendue de la province ecclésiastique de Tours, pour subvenir aux dépenses nécessitées par la reconstruction des bâtiments de leur abbaye (« actum ante ascensionem domini, anno domini millesimo ducentesimo ». L'on peut donc considérer que la charte de Guillaume des Roches est plutôt une charte de refondation que de fondation. Ce document permet de dire que l'abbaye de Bonlieu eut sa fondation au moins un siècle plus tôt soit au XIIe siècle.

 

 

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